Quel est ce mystérieux bruit que seule la vieille Paulette entend, du fin fond du quartier du Guéliz à Marrakech ? Son petit-fils Ruben Barrouk part sur le champ percer ce mystère. Retraçant l’histoire de sa famille juive marocaine, il comprend que ce bruit est tantôt l’écho sourd d’un secret de famille, tantôt la mélodie lointaine de traditions qui se perdent, tantôt le cri étouffé des juifs errants qui ne trouvent pas terre d’asile…
Le récit touchant d’un bruit silencieux
L’intrigue de Tout le bruit du Guéliz est simple : le narrateur, accompagné de sa mère, rend visite à sa grand-mère à Marrakech pour la première fois depuis dix ans. Leur principal motif ? Enquêter sur un mystérieux bruit que seule la vieille femme perçoit, quand pour tous les autres il n’y a que le silence. Voisinage envahissant, acouphènes, toutes les hypothèses sont unes à unes écartées, d’autant plus que Paulette est têtue au possible, comme la dépeint avec drôlerie son petit-fils. Tout s’efface pour la matriarche, à laquelle on s’attache immédiatement. Ruben, sa mère et les autres ne font que graviter autour de ses fantaisies.
Paulette est de ces personnes âgées que l’on soupçonne de feindre la folie sénile pour conter pêle-mêle anecdotes et fables familiales, sentant la mort approcher. Entre deux visites parmi les plus beaux sites de Marrakech, Ruben couche sur papier les confessions de la vieille femme, avec un regard toujours tendre, jamais niaiseux. Du spectre du père décédé – ancien tailleur qui a laissé une empreinte durable sur les habitants du Guéliz –, au rapport aux arabes, tantôt hostile tantôt fraternel, l’histoire de ses aïeux se précise mais le parfum du mystère caractéristique du roman persiste.
Sous l’épanchement nostalgique, un froid glacial et une Histoire sombre se dessinent.
Pour son tout premier roman, Ruben Barrouk a suivi un sage conseil à donner à tout écrivain en herbe : parler de ce que l’on connaît. La justesse des mots ne laisse planer aucun doute, le jeune auteur navigue avec aisance sur la vague de l’autofiction. Bien qu’il parle de ses propres origines, Ruben Barrouk a vécu en France : il s’est forgé sa propre vision du Maroc. Curieusement, l’image qu’il en délivre, en se fiant à ses impressions d’enfant, rejoint l’image fantasmée d’un Orient lointain et idéalisé. Il ne connaît le Guéliz qu’à travers ses souvenirs et les récits familiaux. Les biscuits étoilés de Paulette forment une galaxie et son jardin est un terrain de jeu rebaptisé la « Jungle de mamie ». Le tableau n’est-il qu’oasis coloré, vents chauds chargés d’odeurs épicées et peuple d’une générosité sans borne, que même la chaleur écrasante n’ébranle pas ? Non, car sous l’épanchement nostalgique, un froid glacial et une Histoire sombre se dessinent. Le narrateur met un point d’honneur à écrire avec de la nuance, tout en nous partageant la sensation jouissive, universelle, de (re)découvrir un lieu chargé de souvenirs personnels.
La découverte d’une culture en voie de disparition
Des rituels religieux si chers à Paulette, au panorama des différents cultes qui cohabitent au Maroc, le roman oscille entre récit intime et grande Histoire, si subtilement qu’on n’y voit que du feu. Ruben participe aux fêtes de shabbat et aux prières sans aucun mysticisme, embrassant pleinement la beauté de...