C’est la première fois que Jonás Trueba s’essaye à la comédie. Grand admirateur du genre du remariage, il en propose une version modernisée et délicieusement polissonne où un couple s’attèle à la préparation d’une fête pour célébrer leur séparation.

D’Eva en août à Venez voir, le cinéma de Trueba est truffé de clins d’œil appuyés à la philosophie américaine – Emerson et Cavell sont cités à titre d’inspirations directes. On pouvait craindre une transcription littérale de ses obsessions littéraires et philosophiques qui donnent habituellement un résultat médiocre lorsqu’un concept séduisant pallie la faiblesse de la mise en scène. Ale et Alex se sont aimés pendant quatorze longues années. Ils décident de se séparer sans que l’on sache vraiment pourquoi – la faute à l’usure ou à des désaccords plus profonds ? Leur plaisir à être ensemble est si sincère qu’ils imaginent une grande fête de la fin de l’amour à laquelle ils convieront tous leurs amis. Cette idée leur est soufflée par le père d’Ale et provient des analyses cavelliennes sur le genre de la comédie hollywoodienne du remariage. Dans les films des années 30-40, un couple qui bat de l’aile se reforme à la faveur d’une série d’aventures rocambolesques, constatant la profondeur de leur lien. Le couple madrilène de Trueba est cinéphile et entreprend de tester les limites de ce schéma romantique. La référence appuyée donne lieu à une méditation joyeuse sur la longévité du couple moderne. Ou comment la vie n’est pas le cinéma même lorsque celui-ci parle d’amour…

De désunion en abandon

Ou comment la vie n’est pas le cinéma même lorsque celui-ci parle d’amour…

 L’effet dilatoire de l’invitation à la fameuse fête devient le principal ressort comique d’un film entièrement fondé sur le motif de la répétition. Les préparatifs d’une rupture sont aussi chronophages que ceux des fiançailles: il faut prévenir tout le monde, choisir un lieu, concevoir un plan de table, prévoir une tenue, faire appel à des musiciens. Plus encore, la fin de la vie commune consiste en une série de décisions à prendre qui ramènent le couple à la trivialité d’un patrimoine commun qu’il faut partager. Ale et Alex doivent se trouver de nouveaux appartements, imaginer leur future collaboration et faire le tri dans leur bibliothèque. Si ces calculs d’épicier sont d’ordinaire sinistres, ils se font ici dans l’euphorie d’un moment qui ressemble à un déménagement. Car la séparation consiste à reconnaître la différence du partenaire. Elle permet aux individus de renaître. Ale et Alex ne sont plus un mais deux,et leur rupture rend possible leurs retrouvailles.

La séparation se constate dès l’ouverture du film dans un épais silence. Les embrasures des portes, l’îlot central de la cuisine, le cadre des fenêtres marquent les limites spatiales de leurs mondes intérieurs. Et c’est peut-être dans cette ouverture chagrine que la finesse de la mise en scène est la plus perceptible. Pour « créer ...