Dans une Argentine sous tension, où la culture est sabotée, Simón de la montaña révèle Federico Luis comme une voix singulière: celle d’un cinéma en renaissance, en résistance. En suivant l’errance de Simón, un jeune homme qui s’invente une place parmi des personnes handicapées, le film brouille les frontières entre jeu et imposture pour mieux interroger la notion d’identité. 

Dans la Cordillère des Andes, le vent hurle et secoue la montagne. Le Zonda, vent chaud et furieux, balaie tout, même la parole. Là, un groupe de jeunes en situation de handicap, isolés, tente de trouver de l’aide au pied d’un imposant Christ de pierre. Aucun réseau, ni aucun signal. Alors Simón, un garçon téméraire, grimpe jusqu’au sommet, embrassant le corps du Christ. Enfin surélevé, il guette une onde qui permettrait d’annoncer leur égarement. En bas, les visages singuliers attendent et implorent, muets. Cette ouverture est un choc. Tout est déjà là : la verticalité, la désorientation, le désir de rejoindre les autres et l’impossibilité de le faire sans effort. Une scène physique, mystique, presque biblique.

À l’exception de cette première scène, la magnificence de la Cordillères des Andes est dissimulée, masquée par les visages des personnages, filmés en gros plan. Fasciné par sa troupe, Federico Luis donne à voir une vaste palette d’émotions. Simón (incarné par le magnétique Lorenzo Ferro) n’est pas comme les autres : il n’est pas handicapé. Sans certificat médical, il s’est infiltré en douce dans ce groupe, dans ce centre, dans ce monde parallèle. Grâce à sa relation avec Pehuén, l’un des résidents, il s’intègre, joue et flâne. Nous entrons dans le récit à travers lui. Ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il désire, nous le percevons pleinement grâce à la mise en scène précise : la caméra adopte son point de vue, tandis que le travail sonore, particulièrement soigné dès la première scène, nous plonge dans l’intimité des personnages. Simón est un voyeur tendre, un jeune adulte enfantin, qui regarde un acte sexuel dans les vestiaires au lieu de faire le guet. Il s’oublie, se laisse happer. Non pas par perversité, mais parce que dans ce monde-là, il ressent quelque chose de vrai. Du désir. De la chaleur. De la complicité. Des émotions. 

Vite, la supercherie est découverte. « Tu te moques d’eux ! » crie-t-on dans sa famille. Mais cette famille-là, recomposée, distante, froide, rigide, n’offre aucun refuge. À la lisière, Simón n’a pas d’autre choix que d’osciller entre deux mondes : celui du foyer normatif et celui de ses nouveaux compagnons d’infortune, cabossés mais libres. Avec Pehuén, il forme un duo burlesque et fraternel donnant à la première partie du film des airs de buddy movie. Mais petit à petit, le ton change. Avec Colo, une jeune femme du centre, une possibl...