Un concert de Louis Armstrong comme couverture d’une tentative d’assassinat, un voyage de Nina Simone au Congo secrètement organisé par la CIA. Dans Soundtrack to a Coup d’Etat, le jazz se révèle explosif. Johan Grimonprez explore avec maestria les mouvements des années 1950-60, où musique, décolonisation et impérialisme occidental secouent l’Afrique. Un documentaire polyphonique, nerveux et brillant.

Tous les films ne peuvent pas se vanter d’avoir à leur casting Duke Ellington, Malcolm X, Eisenhower, Khrouchtchev, Miles Davis et Abbey Lincoln. Johan Grimonprez les réunit pourtant tous, dans une structure qui tient du miracle : un dialogue constant entre politiciens, rapporteurs de l’ONU, artistes de jazz, militants et militantes, archives institutionnelles et trompettes déchaînées. En prenant appui sur une superbe bande-son jazz qui accompagne de bout en bout le documentaire, le cinéaste aborde la progressive décolonisation du Congo de la fin des années 1950 au début des années 60, entre indépendance et ingérences, guerre froide et panafricanisme. À la vue du programme, le jazz semble faire fausse note : que diable irait faire Louis Armstrong dans cette galère ? En réalité, dans la guerre d’influence contre l’URSS et la volonté de mainmise sur les richesses africaines, la musique est pour les États-Unis un outil rêvé de soft power. On apprendra donc que le gouvernement américain n’a pas nommé Armstrong “ambassadeur américain de l’amour” en l’envoyant en tournée dans les pays récemment décolonisés pour la beauté du geste, mais bien pour profiter de la réputation de l’artiste. La CIA va jusqu’à organiser un concert à Léopoldville dans l’espoir de détourner l’attention des tentatives d’assassinat sur Patrice Lumumba, Premier ministre légitime du Congo alors écarté car il dérangeait un peu trop les puissances occidentales. Alors même que les musiciens afro-américains font preuve de solidarité avec les peuples décolonisés et dénoncent les politiques racistes de leur propre pays, ils sont, involontairement ou non, utilisés comme une arme dans le grand arsenal de l’Oncle Sam. 

“”Soundtrack to a Coup d’État fait l’effet d’un cours d’histoire sous stéroïdes.”

Sbam, tchouf, tsssing

Soundtrack to a Coup d’État aurait pu être le parfait documentaire universitaire. Aborder la décolonisation du Congo force sans surprise Johan Grimonprez à un certain bachotage. Rapports de l’ONU, livres d’histoire, titres d’albums, journaux intimes, unes, discours, articles universitaires, romans biographiques… Le cinéaste flamand fait feu de tout...