Par son portrait sans artifices de deux jeunes filles en quête de gloire dans une zone industrielle de Lituanie, Toxic raconte les ambitions de flash et de podiums, rythmées par des catwalks sur béton brut. Le premier long-métrage de Saulė Bliuvaitė met en scène avec un brutalisme assumé mais troublant une jeunesse désenchantée, prête à tout pour se faire une place dans un monde qui n’a pas besoin d’elle.

Toxic ne s’éternise pas avant d’annoncer la terne couleur de son décor : le film s’ouvre sur Marija, 13 ans, recherchant son jean dérobé sous les moqueries de ses camarades et filmée depuis l’intérieur austère d’un casier de piscine, dont les tristes parois submergent progressivement le visage de la jeune fille. Le long-métrage fait ensuite se succéder plans d’ensemble rappelant le poids écrasant de ce morne paysage et sursauts esthétiques qui laissent un goût d’inachevé. 

Dans sa ville natale grise et sans avenir, Marija se lie d’amitié avec Kristina, aspirante mannequin qui lui offre la consolation d’une amitié sincère, mais la guide aussi sur des chemins dangereux. Toutes deux inscrites dans une école de mannequinat aux pratiques douteuses, leur rêve semble trop grand pour ce décor en ruine, et leur ambition pourrait bien devenir l’instrument de la déchéance de leur propre corps. 

À travers ce premier long-métrage nourri de fragments autobiographiques à commencer par Kaunas, sa ville natale et lieu de tournage  Saulė Bliuvaitė, révélée avec son court métrage documentaire Limousine (2021), signe une œuvre troublante qui lui a valu le Léopard d’or au Festival de Locarno. 

Corps enfermés

Toxic est avant tout le récit de corps emprisonnés. Filmés derrières des grillages, dans des cadres resserrés ou des formes géométriques faites de tôle et de béton, les corps se forment, se déforment, se tordent pour rentrer – littéralement – dans des cases. Car pour espérer être envoyées à New York, Paris ou Tokyo, les jeunes filles doivent accepter les règles de la concurrence dans la course au rêve, et celles de la dictature dans le culte du corps. Ces corps sont étirés, amincis, sculptés, observés, comparés, percés, et deviennent leur seul outil de travail, sculptable à outrance. Naviguant entre les injonctions esthétiques, Saulė Bliuvaitė parvient tout de même à faire une éloge discrète des imperfections. Malgré les railleries éhontées des camarades de Marija, la directrice de l’école de mannequinat ne verra jamais le fait que Marija boite comme un obstacle, mais au mieux comme une singularité à mettre en valeur, au pire une différence à marchandiser.

Héritier d’une certaine langueur documentaire, première formation ...