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Amélie Nothomb a encore frappé. Son dernier-né, Le crime du comte Neville, réunit tous les ingrédients de la romancière belge : prénoms excentriques, coupe de champagne et brièveté du récit. A force, on pourrait se demander si la recette ne commence pas à nous lasser.

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Août 2015

Sous le patronage littéraire d’Oscar Wilde, Amélie Nothomb se livre à une réécriture d’une de ses nouvelles les plus cyniques, Le crime de Lord Arthur Savile. Reprenant à son compte le thème de la prophétie auto-réalisatrice, Le crime du comte Neville est une facétie si on le compare à son illustre modèle. Un récit brillant mais dont la résolution est trop rapidement expédiée.

A mi-chemin entre le conte de fée et le thriller psychologique, son dernier roman prend place au sein d’une vieille famille aristocratique belge dont le quotidien est bouleversé le jour où une diseuse de bonne aventure annonce au pater familias qu’il commettra un meurtre lors de sa prochaine réception. Henri Neville incarne à merveille le « donjuanisme de l’aristocratie ». Il se retrouve donc écartelé entre son désir de plaire et cette prédiction macabre. Nous suivons donc la trajectoire mentale de cet homme ne pouvant se résoudre à remettre en cause la prophétie de la voyante car « malheureusement, il était comme presque tout le monde : il ne croyait les prédictions que si elles le concernaient. »  Celui-ci décide donc d’orchestrer l’assassinat qu’il ne peut éviter afin de reprendre les rênes de son destin, il ne lui reste plus qu’à trouver une victime. L’intrigue repose donc essentiellement sur ce dilemme moral. Enfin, pour faire planer sur le récit l’ombre de l’ironie tragique, les deux aînés du comte Neuville sont nommés Oreste et Electre.

Toujours la même rengaine

Ce scénario est l’occasion pour Amélie Nothomb de reprendre des motifs qui lui tiennent à cœur. Ainsi, tout comme dans Barbe Bleue, elle joue avec la noblesse de son personnage et montre la difficulté de tenir son rang dans une époque qui ne reconnaît plus les privilèges de l’aristocratie. Comme l’affirme son personnage, « Etre noble, cela ne signifie pas que l’on a plus de droits que les autres. Cela signifie que l’on a beaucoup plus de devoirs. » De même, le choix excentrique des prénoms, la brièveté du roman, les nombreuses maximes qui émaillent le récit et le caractère exceptionnel de Sérieuse, la plus jeune des enfants du comte Neville, sont autant de repères qui nous indiquent que nous sommes bel et bien en présence du dernier Nothomb. En littérature, certaines choses ne changent pas.

En littérature, certaines choses ne changent pas.

   Si on peut se laisser bercer par les égarements du comte Neville, dont la pire crainte est de « faillir au paraître », et si on peut se surprendre à être charmé par la conversation exquise de Sérieuse, Le crime du comte Neville ne parvient pas à enchanter véritablement le lecteur, vraisemblablement en raison de sa brièveté. En effet, les digressions du narrateur empêchent l’intrigue de se déployer et certains des personnages ne font que de la figuration. Le récit louvoie ostensiblement entre la tragédie et la comédie. La confrontation entre le père et la fille donne lieu à une parodie du dilemme d’Agamemnon obligé de sacrifier Iphigénie et la résolution du conflit tient plutôt de la farce bouffonne que d’un deus ex machina.

 Comme souvent avec les romans d’Amélie Nothomb et bien qu’il ne soit pas à la hauteur d’Hygiène de l’assassin, celui-ci va plaire aux habitués tandis que les autres vont maugréer contre cet énième opuscule de la plus connue des écrivains belges.

  • Le crime du comte Neville, Amélie Nothomb, Albin Michel, 15 euros, Août 2015.