Dans son deuxième long-métrage, en compétition à la Berlinale, Piero Messina imagine une société qui prolonge la vie des défunts pour quelques jours en implantant leurs souvenirs dans un autre corps, afin que leurs proches acceptent leurs morts plus sereinement. Entre Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry et Her de Spike Jonze, cette exploration du deuil et de son caractère égoïste s’avère une proposition originale, ambitieuse en même temps qu’intime.

Suite à un accident de la route, Zoe décède dans la voiture que conduisait son compagnon Sal (Gael Garcia Bernal). Anéanti, ce dernier fait appel à « Another End », société high-tech où travaille sa sœur Ebe (Bérénice Béjo) et qui promet de repousser le deuil. Alors que le temps presse, la durée de conservation des souvenirs de Zoe arrivant à terme, ses parents acceptent enfin de les injecter dans le corps d’une autre femme, une Hôte (Renate Reinsve). Chaque jour, cette nouvelle Zoe rend visite à Sal, avant que la simulation ne cesse, chaque nuit. La fin du programme menace alors le bonheur retrouvé de Sal. Avec sa mise en scène sobre, Piero Messina privilégie les relations entre les personnages, dressant un panorama sincère du deuil, plutôt que les intrications politiques et éthiques d’un tel futur. Les nouvelles technologies, présentées discrètement, sans sensationnalisme, font de cette fiction une véritable expérience de pensée, interrogeant chacun sur son rapport à la mort et à la souffrance. En réduisant son vaste sujet à la sphère intime, le réalisateur réussit, avec modestie, son pari.
Le deuil, réalité impossible
Alors que la médecine progresse chaque jour, le capitalisme se saisit de l’ultime limite de la science, le combat perdu d’avance : la mort. Bien que radical, le programme « Another End » rappelle les récentes innovations glaçantes de Project December et de HereAfter IA qui, à grand renfort d’intelligence artificielle censée égaler la nôtre, font converser les internautes avec des morts. Ces compagnies s’improvisent démiurges, tout en marchandant allègrement la souffrance de leurs clients. Dans le film de Messina, les morts deviennent les Absents, et leurs réincarnations, des Hôtes. Le deuil se mercantilise, et le langage, atténue, jusqu’à oublier, la violence de la perte. Lors de la scène d’ouverture, le remplacement quotidien d’un Hôte s’effectue dans un arrière-plan flouté, délicieusement ironique, qui annonce d’emblée la couleur. Dans une société qui l’a capitalisée, la mort est à la fois omniprésente et jamais affrontée frontalement. Mais Piero Messina délaisse le potentiel satirique de ...