Sélectionné à Cannes, Diamant brut suit le quotidien clinquant et saturé de Liane, une influenceuse de 19 ans qui rêve de participer à l’émission de télé-réalité Miracle Island. Bien que ces préoccupations concernent plutôt les jeunes habitués des petits écrans, la proposition cinématographique déploie un propos mélancolique qui mérite amplement son dispositif.
La banlieue de Fréjus ressemble à un Los Angeles de pacotille. Liane (Malou Zhebizi) vit avec sa sœur et sa mère (Andréa Bescond) dans une maison que cette dernière n’arrive plus à payer. La jeune femme traîne avec ses copines, alimente son compte Instagram qui compte plus de 10 000 followers et essaie de gagner de l’argent en volant du parfum et des chargeurs de portables. Rien de reluisant pour celle qui pourtant rêve de gloire. À défaut d’y goûter, elle vole des strass collés sur des t-shirts puis les recolle sur ses chaussures à talons hauts. Quand elle s’offre une robe à 600 €, on jurerait qu’elle est ornée de diamants Swarovski (des strass haut de gamme qui ne sont pas de vrais diamants, NDLR). Tout ce qui fait rêver la jeune fille n’est que la pâle copie d’un monde qu’elle idéalise.
La fiction en contrechamp
Cette carte postale usée annonce un monde décevant. On se moque des imitations façon Wish mais on veut être la Kim Kardashian blanche et on se tatoue YSL sur le pied. Tout est du toc, du vent, du rêve. À l’image de cette séquence où Liane se filme dans sa salle de bains. Elle vient de se tatouer des étoiles sur le ventre, résultat d’un acte semblable à une mutilation. C’est laid et ça lui a fait mal. Mais elle ne perd pas la face et prononce des mots vides de sens en s’adressant à ses fans avec une rapidité qui trahit son malaise. Premier long-métrage de Agathe Riedinger, Diamant brut aurait pu être aussi vulgaire que son héroïne. Mais la jeune femme incarne une tristesse abyssale dont le narcissisme ne saurait se mirer sur l’écran de son smartphone. En plus d’y chercher son reflet, elle voit défiler des commentaires qui s’affichent aussi sur notre écran, énumérations élogieuses ou insultes sexistes. Car ce qu’il y a de plus intéressant dans ce film, c’est l’usage qui est fait de l’écran de cinéma. Le montage fait défiler des illustrations rêveuses dont le halo du filtre rappelle une banque d’images Pinterest ponctuée d’une esthétique à la Spring Breakers (Harmony Korine, 2012). On pourrait même voir dans ces travellings de banlieues pavillonnaires et ces scènes dans la chambre de l’adolescente, un Virgin Suicides (Sofia Coppola, 1999) dopé aux acides. Le montage du film est parfois trop rapide. Des séquences ayant un haut potentiel dramatique sont stoppées de façon abrupte. C’est souvent le cas de séquences dignes d’une révélation lors desquelles Liane s’émerveille. Quand elle admire des danseuses dans la boîte de nuit, cela fait écho au rêve américain déchu de Nomi dans Showgirls (Paul Verhoeven, 1995). Puis lors d’un photoshoot dans le jardin d’une villa qu’elle visite, Liane, subjuguée, est coupée cut. Celle qui n’a de désir que pour l’irréel est souvent rappelée au réel et nous, spectateurs, sommes ramenés sur terre. Les images défilent aussi vite qu’elles apparaissent, semblables à de banales photos devant lesquelles on scrolle. Chaque plan se nourrit de son potentiel fictionnel. D’ailleurs ce jardin ressemble à un décor de cinéma. Quand on regarde Liane, on a l’impressio...