Publiée aux éditions VROUM et diffusée par Les Presses du réel, la revue Véhicule présente son nouveau numéro, le 6ème : un bijou poétique, visuel, physique aussi. Pilotée par Garance Dor et Vincent Menu, qui dirigent également VROUM, elle se compose d’un série de brochures comme autant de partitions qui ouvrent à la contamination poétique, théâtrale, verbale.

Véhicule surgit comme « une publication à la forme singulière : une pochette de format carrée, de la dimension d’un 33 tours, remplie d’imprimés de différents formats. » On pique leurs propres mots, parce que ça circule, ça se passe de mains en mains, ça glisse des doigts et jongle

C’est vivifiant de fantaisie et d’enfantillage – d’un enfantillage (et oui!) en ce que ça rejoue l’instinct du geste, déploie des lignes de fuite : c’est un appel à la participation permanente et au sursaut de la création.

Avec ou dans Véhicule tout est possible, c’est une revue qui ne se referme pas, une revue dont les points se répandent au point de tisser des horizons renouvelés.

Dire encore ce que serait Véhicule : « des œuvres à déployer dans un cadre muséal, scénique, dans l’espace public ou des lieux privés. Véhicule invite des artistes contemporains de différentes disciplines à transmettre une partition (partition = pièce, protocole, mode d’emploi, suggestion, projet, script, notation). Toutes les propositions sont à activer par le lecteur. »

Quel projet, projet à dire à voir à montrer, qui se démultiplie à l’infini, tant comme objet matériel que comme partition de pensée et de jeu, jeu de la pensée qui irrigue la scène d’une poésie en acte – de la poésie au sens large, en ce qu’elle excède la composition du poème : geste à venir.

C’est dire le jouissif qui s’ouvre ici, effervescence d’un joyeux bordel si maîtrisé ; et beau, car il faut le répéter encore : Véhicule est un très bel objet, une composition de beaux objets.

On se perdra pêle-mêle dans l’album de mariage de Pauline Picot – et j’aimerais vous y voir à découper dans la robe, au gré des pointillés, sans déborder sur la peau du texte; la recherche de l’amour de Julien Molland et Adrien Chacon, comme un jeu dans les dédales des pièces du puzzle, intérieures comme extérieures,… Garance Dor, de son côté, nous invite à la question dans son « Point d’interrogation » : sursaut d’une scène, consignes de jeu, présences et dialogues des corps dans le relai de la parole hasardeuse, métaphore sans doute de Véhicule : un série de relais à se faire passer, allonger la liste des participants encore et encore. Dominique Jégou propose une « cocotte chorégraphique », à vous de percer le mystère de l’expérience à venir, expérience de lecture et d’écoute chez Ludovic Bernhart, beauté graphique de la partition de Violaine Lochu multiplicité du poème chez Frédéric Forte avec son « Chôka de voyage », exercice de dégustation avec Yoann Thommmerel, emballage-déballage chez Karim Ould et ses « variations infinies ». Et Matthieu Saladin, Linda Hayford, Frédéric Mathevet, Annabelle Hulaut, Anaël Castelein, et moi, et vous : une beauté bordélique où il faut creuser, piocher, se perdre, qu’il faut éparpiller partout. Pour finir, Léa Henry nous propose 10 façons de lire Véhicule – mais à vous d’inventer les vôtres, et de les répandre, car on ne voudrait plus que jouer longtemps, entrer dans la danse.

Vous en voulez encore ? Ouvrez voir, scène portative pour geste en cours, c’est une chorégraphique à embrasser.