Récit ludique et captivant, Toute ouïe nous embarque dans la peau d’une éditrice qui reçoit un manuscrit des plus étranges. Le héros, fasciné par les bruits d’orgasmes, traque la vie intime de parfaits inconnus. Bien que troublée, Violette ne peut s’empêcher de poursuivre la lecture, obéissant à une curiosité irrépressible pour l’exploration des désirs et des fantasmes les plus insolites… un peu comme nous avec cette belle découverte de la rentrée littéraire.

A chacun des 5 sens, son best-seller contemporain : Toute ouïe serait-il à l’ouïe ce que Le Parfum de Patrick Süskind est à l’odorat ? Si la comparaison est un peu poussive, on souhaite en tout cas le même succès à Alexandre Postel, déjà lauréat du Goncourt du premier roman en 2013. Après le retentissant Un Homme effacé, l’écrivain et professeur parisien a de nouveau su dénicher la formule idéale. Non seulement en parlant frontalement d’orgasme, ce qui n’est désormais plus untabou, après que, dans l’art, le sujet ait été longtemps enrobé des contournements les plus créatifs.
Plus audacieux encore, l’écrivain normalien s’empare de la dimension auditive de l’acte sexuel de façon inédite, là où la littérature avait déjà exploré en long, en large et en travers le goût, l’odorat et bien sûr le toucher. Car plus qu’un simple manuscrit comme une maison d’édition en reçoit à la pelle, c’est une véritable expédition sensuelle que découvre le personnage principal, l’éditrice Violette, rédigé par le mari d’une ancienne amie surgit de nulle part, Monegal.
Dans son intriguant Confessions auriculaires, le héros Victor Chantelouve raconte, enfant, avoir entendu un air de La Flûte enchantée de Mozart, qui a marqué un tournant décisif dans sa vie : « ce chant confinant au cri pur, tout cela, d’emblée et à jamais, m’a rivé aux imprécations de la Reine de la nuit et en ont fait pour mon être sensible une source inépuisable de jouïssance » – avec un tréma sur le i. C’est le début d’une sensibilité accrue à tous les sons, mais surtout d’une obsession incontrôlable pour ceux que peut provoquer l’orgasme. Adolescent, peu importe à Chantelouve que sa petite amie couche avec un autre dans la pièce d’à côté, du moment qu’il peut se délecter de leurs râles amoureux. Enregistreur en main, il pénètre illégalement dans des immeubles jusqu’à « saisir au vol la musique de l’amour physique ». Toute sa vie rejeté pour un fantasme que les autres ne comprennent pas, lui ne se considère pas comme un obsédé mais comme un mélomane, jugeant comme divins des cris qui ne sont pour beaucoup que bêtement triviaux. « Jouïssance » ou « oméga », il fait preuve d’une créativité stylistique sans borne pour tenter de décrire son indicible extase. Il est vrai qu’Alexandre Postel impose un style littéraire très travaillé, un peu affecté sans pour autant être prétentieux.
“Davantage qu’un roman simplement mélodieux, le roman est un appel à être attentif à la richesse sonore qui nous entoure.”
Le lecteur, un « auditeur libre » du style et du fant...