Paru aux éditions Sans Crispation, dans la collection « Les Utopiques », Cogne est le nouveau texte de Damien Paisant : une exploration jouissive des possibilités de l’écriture, une mise en jeu de la poésie qui n’épargne rien à l’exercice formel, un recueil déroutant et singulier.

Déroutant dis-je ce recueil de Damien Paisant, qui croise le journal et les notes et cogne contre le discursif, joue la charge du verbe défait contre la connivence, tout en assumant une destruction signifiante de la langue : expérience d’une destruction qui ne fait ni défaite ni silence mais ouvre la cavité de la langue, et de l’être pour mieux la dire :

« j/dépense c/qui

pense mon être »

Jeu dis-je ce recueil de Damien Paisant en ce qu’il nous laisse croire – si peu longtemps pourtant – au risque de l’enfermement de l’exercice formel pour mieux mettre en évidence la force de frappe de la parole. Refus de l’

« hermétique

à la modern rimbal/

hyène d’herméneutique »

Refus aussi du simulacre

« la rêvass/rie est 1 aguicheuse

qui embobine ta bonhomie

la vie 1 klibre qui la pénètre

à – d/pvoir

rêvasser l’éros

d/puis l/thanatos vivt »

Car c’est bien contre la facticité d’un langage empêtré dans sa sur-signifiance que s’érige la poésie ici, cherchant à détourner la mise en forme du discours pour lui préférer l’éclatement, dans l’écriture comme dans l’existence

« à la morbidité probante

prohibant ttes dmdes

de profondeur quand il s’agit

d/pénétrer Eros »

Sus au probant donc pour lui opposer plaisir du texte et jouissance de l’écriture, envers du décor et mise à nu des murs 4, 3, 2, puis 1 / réception dans l’oeil orbital – écarquillement du domaine du sens

« l’avgle s/ft voynt

l/voynt s/ft avgle

etc etc etc etc etc etc etc »

Politique de l’écriture qui se refuse à la fiction et dit son nom et se chante, anti-croyance de la scène de la phrase pour poète po coupé

« Po-ète, Po-è-te, Po-è-te, Po-ète, Po-è-te

& Encore des poètes qu’t’essaimes au couvent

Voilà mon dédain t’épargner…

T’épargner comme la précaire foi.

Encore des sots toujours des sots

Les mêmes sots »

Ce qui compte dans l’écriture à l’oeuvre c’est la faille du rapport signifiant/signifié non pas pour l’inanité du langage mais la charge du sens même et la conscience saisie du verbe, puisqu’après tout

« tout est q° d/tournure

si fêlé s/ra l’esprit

pour émoustiller Fêlure »

Une écriture poétique qui s’amuse et se déploie au seuil d’un lyrisme de l’Eros pourfendu ciel ouvert, où grouille le réseau conscient, la prouesse du jeu et le désespoir critique du présent

« j/conforte mon

fugace orgasme

à valeur de cul

pabilité.palpable

{pour l’éterniquité} »

D’un désespoir affirme. Et affirmant, qui reconnaît la puissance du poétique comme geste de témoignage et de présence, dire le suspendu de la présence

« #Comment parvenir à suivre

dans la chute ou l’échec des choses

la trace de ce qui ne tombe ni n’échoue ? »

Déroutant dis-je ce recueil de Damien Paisant, aux éditions Sans Crispation, qui œuvre cognant contre dans le ravissement même de l’éclatement. Un exercice de lecture jubilatoire dans l’envers du verbe.