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Aux éditions Louise Bottu paraît un drôle de livre,140 (2) La Révolution en 140 tweets ou les lendemains qui gazouillentde Marc-Emile Thinez. Vous l’aurez compris: il s’agit bien d’un livre qui se compte en tweets, et non en chapitres. Et l’auteur insiste pour le définir comme un roman- qui serions-nous pour le contredire?
Septembre 2014
Septembre 2014

Le roman est bien mort une première fois, vive le nouveau roman. Mais cette fois il est bel et bien décapité. Ici l’intrigue et les personnages substantiels laissent place à une succession de 140 tweets, chacun respectant la limite des 140 signes réglementaires. Un roman écrit sous la contrainte donc. Mais la contrainte est-elle réellement pour l’écrivain? Est-ce l’écrivain qui s’adapte au lecteur de 2014 ou le lecteur qui court tout le long des 140 tweets après ce que l’auteur a en tête? Le jeu peut commencer.

Espace de jeu

En effet, l’auteur ne s’en cache pas: ses lignes délimitent un espace de jeu dans lequel il joue sur les mots et se joue de la forme romanesque afin d’exposer ses obsessions révolutionnaires. Et il joue aussi avec le lecteur…il avait annoncé 140 tweets ? C’était sans compter les tweets bis, ter, quater et variante, qui nous amènent à un chiffre plus proche de 170. Il faut dès lors se méfier des apparences: un roman tissé de tweets paraît obsolète car le tweet ne survit pas à l’immédiat, mais il en va tout autrement lorsque le tweet est utilisé comme aphorisme, héritier d’une longue tradition littéraire. Ceux de Marc-Emile Thinez sont mordants, assez noirs, souvent drôles:« Dans un monde idéal, l’Humanité n’existerait pas, fut un temps le slogan ambigu du quotidien communiste. Aujourd’hui les deux sont encore là » (tweet 58)L’auteur se lance ainsi dans une course personnelle pour faire le tour de l’homme moderne- qui existe par contraste avec celui qu’il nomme « l’homme archaïque »- et de la révolution, qu’il s‘amuse à définir sous différents angles:« La question n’est pas qu’est-ce que la Révolution mais quel usage fait-on du mot Révolution dans la phrase. (J. Thinez, Langue et Révolution) » (tweet 118)« Révolution: période agitée, bavarde; négociations préliminaires au renouvellement du bail de servitude volontaire. (Jean Thinez, locataire) » (tweet 126)

Au fil des tweets, l’auteur emprunte différents noms, différents visages (Marc-Emile, Jean Thinez, JT, Marc-Emile Thinez), comme on ne fait pas une révolution seul. Il en profite aussi pour ponctuer ses courts récits de clins d’œil à une mythologie personnelle: littéraire (Jean Echenoz, Beckett, Cioran, Borges, Sartre), populaire (le coureur Emile Zàtopek, Sylvie Vartan) et biblique.

Ce petit roman est donc tout à fait adapté à notre quotidien d’Homme pressé

Ce petit roman est donc tout à fait adapté à notre quotidien d’Homme pressé, et espérer le lire d’une traite sans pouvoir le refermer serait aussi absurde que d’entreprendre de lire intégralement un feed twitter. Marc-Emile Thinez réussit avec cette entreprise ludique à s’approprier un outil de notre quotidien, rappelant que la société numérique n’est pas perdue aux yeux de l’art: il suffit de s’en saisir.

  • 140(2) La Révolution en 140 tweets ou Les lendemains qui gazouillent, Marc-Emile Thinez, éd. Louise Bottu, 9. 50 euros, septembre 2014

C.P.